Les aventures de Michel le labrador

Longtemps, les scientifiques se sont demandés pourquoi la file dans laquelle on est avance toujours moins vite que les autres.

Après des années de recherches, d’extrapolation diverses, de calculs (dont une équation à trois inconnues) et de sandwiches au thon, il est désormais établi que c’est à cause de l’instinct d’emmerdement maximum (IEM), qui arrive en quatrième position des forces qui poussent l’homme à agir, derrière l’instinct de reproduction, l’instinct de survie et l’instinct de boire des bières.

C’est, bien sûr, l’IEM qui pousse les petites vieilles tremblotantes à investir les supermarchés aux heures de pointe, alors qu’elles auraient la journée pour le faire. C’est lui aussi qui les fait trembloter. En réalité, les vieilles sont très agiles, elles font du cerceau artistique et sont avant-centre dans l’équipe de pom-pom girls senior d’Amniéville. Mais dès qu’elles entrent dans un supermarché, elles changent du tout au tout. Cette force, encore plus ancestrale que le crâne de Musclor, les oblige à faire leurs commissions pour la semaine article par article. La tactique de la petite vieille est en effet simple: elle commence par vous demander, avec son sourire timide, si elle peut passer devant vous, elle a juste un yogourt aux figues, c’est bon pour son transit intestinal, merci. Puis elle arrive à la caisse, sort ses lunettes et paie en pièces de 10 centimes. Les petites vieilles ont chez elle des pièces entières pleines de pièces de dix centimes qu’elles utilisent pour faire leurs courses.

C’est aussi l’IEM qui pousse les gens à prendre la seule tourte au rutabaga de tout le rayon fruits et bricolage sur laquelle il n’y avait pas de code-barre, obligeant ainsi la malheureuse caissière à appeler monsieur Chompard à la 8, s’il-vous-plaît, monsieur Chompard, alors que tout le monde sait ce qu’il lui en coûte de dire ça après cette malheureuse histoire, l’été dernier, à l’île d’Oléron, alors que l’alcool et les poneys coulaient à flot, et puis bon surtout toi ça te fait perdre du temps alors que tu as un besoin urgent d’aller jouer au Tribolo et qu’en plus ce soir y a un match de champion’s league de water-polo, t’aimerais pas manquer le début, sinon tu risques de pas tout comprendre l’intrigue.

C’est l’IEM, toujours, qui pousse Jacqueline, l’amie de squash de la caissière, à se mettre juste devant toi dans la file et à tout lui raconter de sa vie, des coliques du petit dernier et des problèmes de genou de l’oncle de la voisine du concierge du type qui garde le chien de la propriétaire du magasin où elles vont acheter les raquettes, pendant que tu trépignes discrètement. Puis ce même instinct hérité de l’époque où nos lointains ancêtres étaient bien obligés d’emmerder un peu leurs contemporains parce qu’il n’y avait pas le câble pour se distraire va pousser la caissière à te dire ah non désolé, on ne prend pas la carte Maestro, y a une panne, mais si vous avez une carte de fidélité à Poney Magazine, on les prend, sinon vous pouvez aller retirer de l’argent au distributeur, il est à 17 minutes de marche mais faites vite, on ferme dans 16 minutes, si vous n’êtes pas de retour je serais obligée de vous dénoncer à Jean-Pierre Foucault.

Mais surtout, c’est l’instinct d’emmerdement maximum qui encore trop souvent de nos jours pousse des photographes à partir en abandonnant une saloperie de machine pleines de boutons partout qui fait tuttuttuttut alors que ça fait au moins 42 ans qu’ils n’ont plus touché un appareil argentique, alors comment veux-tu qu’on se concentre sur les prolégomènes sustentatoires des bovins dans ces conditions là?

2 Responses to “Les aventures de Michel le labrador”

  1. Guig says:

    Merci pour cette explication scientifique. Mais comment ça se soigne???

  2. Hihi says:

    MERCI MONSIEUR POURTONPOIL je suis tombé de ma chaise