Hiérarchie, demain à Morges.

Au début de la Préhistoire, l’organisation sociale était plutôt simple. Chaque tribu avait un chef et des tas de pas chefs. Puis la démographie galopa comme un poney au petit matin, les populations grandirent comme le poney lorsqu’il devient cheval, bref, y aurait eu du monde au portillon si les portillons avaient existé.

Cela impliquait, d’une part, que l’ambiance était un peu tendue pendant les longs mois d’hiver, imagine, quatre mois entassés à 250 dans une caverne, pas de cartes, pas de soirées karaoké, rien à faire à part peindre des mammouths sur les murs et même pas l’espoir d’être nominé à la fin de la semaine, forcément, y a un moment où les blagues d’UuuhGruhur et les jérémiades de UhGrhhur commencent à te taper sur les nerfs sévère, mais là n’est pas l’objet de ce post.

Cela impliquait également et d’autre part que pendant les mois de pas hiver, y avait un peu trop de monde pour aller chasser le mammouth. Le grand chef UhGruhr décida alors de créer des groupes de travail: chasse au gros gibier, chasse au petit gibier, outillage, développement d’activités ludiques hivernales.
Puis il fallut subdiviser les groupes en sous-groupes. Malheureusement, UhGruhr constata une baisse de productivité du groupe “taillage de pointes de silex”, qui n’avait pas atteint ses objectifs au premier trimestre -10012. De plus, des voix s’élevaient au sein du clan pour dire que “ceux de danse tribale et peinture rupestre, c’est des planqués, ils foutent rien de leurs journées”.
UhGruhr décida alors de nommer des chefs de groupe, des sous-chefs de sous-groupes, des adjoints et des sous-commissions de surveillance.

Conscient que ces tâches étaient plutôt ingrates, qui voudrait passer son temps à peindre des rapports et à fabriquer des colliers en trombones quand il pourrait courir gracieusement derrière un troupeau d’aurochs?, UhGruhr nomma aux nouveaux postes des vieux de plus de 21 ans, des boiteux, des “se donne de la peine mais en a aussi beaucoup” et tous les gens qui font moins de bêtises quand ils surveillent que t’en fasse pas que quand ils viennent t’aider à chasser la belette cendrée ou à découvrir le feu.

Mais, contre toute attente, les hommes étaient fascinés par ces nouveaux postes. Ils passaient désormais le plus clair de leur temps à espérer une promotion, dire du mal de leur chef, se plaindre que le boulot était mieux avant leur promotion, se demander pourquoi c’est ce con d’UuhGrhuhur qui est devenu chef du groupe “inventions de trucs plus sympas que le mammouth séché pour le petit-déjeuner”, j’étais meilleur que lui, c’est moi qui ai eu l’idée de traire des mammouthes pour faire du beurre, bon ok ça a fait trois morts mais si ceux de “systèmes de protection divers” avaient inventé le casque, ça serait pas arrivé.

Or, à l’époque, les gouvernements étaient très instables. On pratiquait la démocratie directe: lorsque le chef était contesté, on lui mettait un grand coup de gourdin sur le crâne, on l’offrait en sacrifice au premier tigre à dents de sabre de passage puis on s’élisait démocratiquement à sa place, directement, sans attendre 2007. Cela s’appelait un putsch, à cause du bruit que fait le gourdin quand il entre en contact avec la tête. UhGruhr vit dans ce nouveau système social le moyen d’occuper un peu les gens et, ainsi, de continuer à cheffer tranquillos pendant quelques années: pendant qu’ils s’intriguaient parmi, ils oubliaient de revendiquer la chefferie.

Depuis, le système a un peu évolué puisque “mammouths et tradition” et “furets, ratons-laveurs, pangolins et autres animaux pas très bons mais bourrés de protéines” ont fusionné.

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