Longtemps, je me suis couché débonnaire

Non, la coupe du monde de foutebole n’est pas complètement inutile. Elle permet de réviser sa géographie, mais aussi de développer d’importantes tactiques qui peuvent s’avérer utiles dans la vie de tous les jours.

Je ne veux pas ici parler du 4-4-2, moyennement pratique pour aller chercher du pain à la Migros, ni même du piège du hors-jeu, d’un intérêt tout relatif hors stade.

Mais, pendant un mois, écouter jour après jour Raymond, Alexander et tous leurs joyeux amis journalistes, arbitres et supporters peut permettre d’acquérir une compétence sociale extrêmement utile au quotidien: la mauvaise foi.

Etre de mauvaise foi est très important pour une vie sereine et épanouie: si à chaque fois qu’on a tort, fallait admettre qu’on a tort, la vie serait un calvaire. D’ailleurs, lors des élections de Miss France ou de Mister President, lorsqu’on demande aux éligibles, entre un défilé en bikini et du 14 juillet, quel est leur pire défaut, tous te répondront invariablement: je suis parfois trop honnête. Jamais tu les entendras dire J’ai tendance à piquer dans les caisses, Je suis un dangereux psychopathe ou J’ai tous les albums de Kyo. Non. Leur plus grand défaut, c’est leur manque de mauvaise foi.

Il est d’ailleurs admirable de voir les footballistes, qui sont, on oublie trop souvent de le dire, de grands professionels, déclarer comme ca de but en blanc que si ils en ont marqué si peu, de buts, c’est parce qu’ils l’étaient, en blanc. Et qu’on avait oublié d’arroser le terrain. Qu’en plus, comme par hasard, les arbitres sifflent toujours contre nous, je voudrais pas dire, mais c’est quand même un peu étonnant, quand on sait que nos adversaires viennent justement du même pays que la mère du type qui fabrique les chaussures officielles du magasin de la tante du président de la fédération mondiale des arbitres et quand même, je peux pas croire que c’est du hasard et que d’ailleurs, si on a raté douze fois des éléphants dans des couloirs, c’est probablement parce qu’ils nous ont vendu des chaussures non conformes.

Car cela demande du travail. Non seulement d’être capable de trouver en trois secondes une explication autre que “si on a joué comme des branques, c’est avant tout parce qu’on est des branques”, mais en plus de la jouer avec une crédibilité qui ferait pâlir n’importe quel acteur de telenovela.

Alors quand footballistes ou journaleux racontent n’importe quoi sans sourciller, il ne faut pas rire, mais s’en inspirer. Tous les jours, nous sommes confrontés à des situations terribles, un patron qui nous demande pourquoi le rapport Rodriguez n’est pas sur son bureau comme promis, un gratin de fougères bolognèse qui a brûlé, un train raté, un chat qu’on a oublié d’arroser, une mauvaise note en géometre politique, un zapping intempestif sur une émission présentée par Daniella Lumbroso. C’est dans ces situations tragiques qu’on aimerait avoir le jeu de jambes d’Alexander Frei et le sens tactique de Raymond Domenech et répondre “Non mais c’est pas de ma faute, c’est Chompard qui m’a poussé, en plus le clavier du pc était trop chaud et franchement, bosser dans des conditions pareilles, en plus je voudrais pas dire mais comme par hasard, c’est toujours quand je cuisine espagnol que ca brûle, quand on sait que justement le fabricant du four est norvégien et quand on connaît les liens qui lient ces deux pays, y a de quoi se poser des questions; et si je regardais France2, c’est parce que les touches sont pas assez espacées sur cette télécommande, qui c’est qui m’a foutu une télécommande pareille?”.

Tout ca pour dire que si je trouve pas de chute à ce post, c’est parce que le pc n’a pas été arrosé six heures avant.

One Response to “Longtemps, je me suis couché débonnaire”

  1. Chick says:

    Je crois que ça va faire 20 fois que je la sors, mais vraiment, ce blog c’est Bon Proust Ton Poil !