Utopie pour toi

New Morges – mai 2057, un mardi. Reportage exclusif (sponsorisé par les bonbons à la saucisse Flügor, par les tondeuses Bonvin et par l’union suisse contre les arbres).

Nous avons retrouvé dans cette grotte des environs de New Morges une communauté étrange, qui vit recluse. Il nous a été difficile de les approcher, tant ses membres semblent méfiants. Mais comme ils semblent plus affamés que méfiants, nous avons pu les soudoyer facilement grâce aux bonbons à la saucisse Flügor, les bonbons qui rendront tous vos amis jaloux grâce à leur goût chaloupé.

C’est en effet ici que se réfugient, loin de toute civilisation, les exclus de Facegle. Chaque année, en effet, des centaines de personnes sont bannies de Facegle pour avoir contrevenu aux règles d’utilisation – des règles qu’ils ont pourtant signées lors de leur inscription, le lendemain de leur naissance. Ne faites pas ça chez vous, les enfants, ne contrevenez pas aux règles, sinon vous vous ferez pincer les doigts très fort.

Attention, les images qui suivent peuvent choquer. En effet, ces gens n’ont pas été bannis pour des broutilles ou des billevesées. En effet, ils ont commis des actes graves, des actes répréhensibles, si tout le monde faisait comme eux ce serait l’anarchie, est-ce bien ça que vous voulez ?

Je vous propose de les huer pendant une minute.

Si le temps vous semble long, pourquoi ne pas utiliser une tondeuse Bonvin pour tondre votre jardin ?

Voilà. Nous avons donc rencontré Jaynyfayr Dévanthéry, exclue de Facegle en avril 2056 pour avoir orthographié son nom Jennifer parce que, je cite, “ça faisait un peu stylé”.
Oxmo Legendre, coupable d’avoir détourné le regard pendant une publicité. Alors qu’elle était en plus très drôle.
Fiodorina Grörh, bannie pour harcèlement sexuel après avoir demandé “Salut sa vas” à un jeune homme sur le réseau social Facegle, le réseau social de toutes vos envies, sans en avoir préalablement sollicité la permission.
Et enfin Suharto Bollomey, spéciste récidiviste, qui poste régulièrement des photos de chatons sous prétexte qu’ils sont trop mignons, cruelle objectification de l’animal que nous ne saurions tolérer.

Alors bien sûr, ces gens ont bien mérité ce qui leur arrive.

Mais tout de même. Bannis de Facegle, ils ne peuvent plus avoir accès aux offres d’emplois, ils ne savent plus quand un appartement est à remettre, ils ne peuvent plus placer d’enchères pour acheter des légumes de synthèse ou de la viande recomposée et sont obligés de manger le fruit de la terre, comme des animaux, sans offense envers nos amis les animaux toutefois, mais tout de même. Ils ne peuvent plus savoir ni les résultats des compétitions de beach tchoukball, ni le temps qu’il fait.

Alors ne devrait-on pas leur pardonner ? Faut-il vraiment que ces gens paient toute leur vie pour une petite erreur ?

Moi je trouve que oui. Enfin, surtout à la deuxième question.

Huons les.

Ce reportage exclusif vous a été offert par les bonbons à la saucisse Flügor, par les tondeuses Bonvin et par l’union suisse contre les arbres.

Edern-Boutros Baumgartner, radio suisse romande, New Morges.

6 Responses to “Utopie pour toi”

  1. Labo says:

    Bien d’accord, camarade ! Je like cet article doubleplus bon.

  2. Monsieur Prudhomme says:

    Quand je lis le mot “bannir” je me demande toujours si ce n’est pas en affreux anglicisme…

  3. mlle-cassis says:

    Mon pauvre ami.

  4. fabienne says:

    C’est rassurant de savoir qu’en 2057, il y aura encore des tournois de beach tchoukball.

  5. Evren says:

    Les critiques littéraire du futur prendront ce texte pour une utopie, fait gaffe.