J’ai compris tous les mots et la chair est triste hélas

Les blogs nous permettent de nous poser en experts de sujets que nous ne maîtrisons pas, et c’est fort de cette force que je m’en vais vous expliquer aujourd’hui :

Comment devenir un écrivain

D’abord, il faut une idée. Ça n’a pas l’air important, comme ça, mais mine de rien, ça a une certaine importance.
Si tu n’as pas d’idée, tu peux raconter une histoire d’amour contrariée, quelqu’un qui plaque tout pour partir à l’aventure ou l’invasion de la Terre par des limaces de sept mètre de long, des classiques qui marchent toujours.
Si tu as trop d’idées et que ça fait onze ans que tu te demandes avec laquelle commencer au juste, je sais pas, prends la première à gauche, ou tire au sort, je sais pas. Ou celle avec les limaces, tiens, je l’aimais bien.
Ensuite, il faut des rebondissements, sinon tu risques de te retrouver avec un roman de 0,7 Nothomb d’épaisseur – ce qui montre toutefois une certaine compréhension des rythmes de lecture contemporaine. Exemple : « Soudain, des limaces de sept mètres de long envahirent la Terre. Ça alors, dit John, qu’allons nous faire. Puis il leur jeta du seul. » c’est trop court pour un roman.
Ensuite, quelques personnages auxquels on peut s’identifier : un héros jeune et souriant, très riche, dont tous les personnages féminins tombent sauvagement amoureux, mais quand même, il a des fêlures à cause de son enfance,
un ami du héros un peu gros mais très drôle,
des personnages féminins intelligents et espiègles, on est en 2014, que diable,
des limaces géantes.
Mais ce sont des exemples, tu peux aussi opter pour un savant très intelligent mais avec le sens de l’humour et des fêlures.

Ensuite, des adjectifs. Beaucoup. C’est très important. C’est même plus important que l’histoire, en fait. Les bonnes histoires, laissons ça aux anglo-saxons, qui sont vulgaires. Ce qui fait la littérature, c’est le style, et ce qui fait le style, ce sont les adjectifs. C’est connu. Je t’ai fait une liste d’adjectifs, mais tu peux aussi en prendre d’autres. Amphigourique, alambiqué, pestilentiel, dodelinant, atrabilaire, superfétatoire, astringent, elliptique, scrofuleux, épithète, cacochyme et gélinatoire.

Ensuite, il faut écrire. C’est la phase un peu chiante dans le processus d’écriture.

Puis il faut te relire. C’est la phase du processus d’écriture ou tu te dis que finalement, tu aurais mieux fait d’aller à la pêche. La phase où, tous les seize adjectifs, tu as un petit rire nerveux, la phase où phrase après phrase tu te dis mais qui a écrit une merde pareille ? ah ben oui, c’est moi, lol.

Puis ensuite, il faut faire relire par d’autres. Puis les tuer dans leur sommeil avant qu’ils n’aient eu le temps de te dire ce qu’ils en pensaient.

Puis il faut tout effacer et recommencer autre chose.

J’espère que ça t’a bien aidé ! La semaine prochaine, nous apprendrons la tarte aux fraises.

5 Responses to “J’ai compris tous les mots et la chair est triste hélas”

  1. Aurélia says:

    Attends, tu leur as fait QUOI, à tes relecteurs ??
    Comment je suis soulagée d’avoir été simplement illustratrice en retard, tu n’imagines même pas.

  2. Nekkonezumi says:

    Je viens hurler de terreur ici, j’ai peur que ta limace géante ne se sente un peu sel.

  3. mlle-cassis says:

    Les limaces, c’est le sel de la terre.

  4. heidi says:

    Et “fuligineux” nan ?

  5. map says:

    Mon passage préféré : “Ensuite, il faut écrire. C’est la phase un peu chiante dans le processus d’écriture.”
    C’est l’histoire de ma viiiie :)