Happy zut, à la fin

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

Le vieux sage l’attendait en vapotant sa cigarette électronique. Il lui offrit un rafraîchissement électronique et quelques saucisses apéritives électroniques.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Ah, non, c’est de l’autre côté de la vallée, ça. Ici, c’est le secret de la cuisson des pâtes.
– Ah… ben ça m’intéresse aussi.
– Mais on ne peut pas avoir les deux. Il faut en choisir un des deux.
– Oh, bon. J’étais venu pour le bonheur alors…

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– C’est une métaphore ?
– Non, une buse. Ou un aigle. J’y connais rien en ornithologie, moi. Je pourrais regarder sur Wikipedia, mais ça capte pas, dans cette caverne à la con.
– Mais le secret du bonheur ?
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– Oui.
– Moi non. Je n’ai pas mes lunettes. Tu comprends, maintenant ?
– Non. Ou alors vous voulez dire que la réponse est en moi et que ce n’est pas avec ses yeux qu’on voit ?
– Tu dois trouver la réponse dans ton c½ur.

Alors l’homme repartit, car il se dit qu’on l’avait bien roulé et qu’il allait se faire rembourser son forfait thalassothérapie, fromages et secret du bonheur.

En chemin, il rencontra un cheval, qui s’ébrouait joyeusement dans un champ au fier soleil de mars.

– Dis moi, quel est le secret du bonheur ?

Mais bon, les chevaux ne parlent pas.

Comme il commençait à faire faim, l’homme s’arrêta dans une bonne auberge.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Si vous prenez le menu de midi, avec un supplément de 14 francs 50, il vous est offert avec le café.
– Ça alors, on va parfois chercher bien loin ce qui était dans une bonne auberge. Mais dites-moi, vous même n’avez pas l’air de respirer le bonheur.
– C’est traditionnel, monsieur, c’est la Suisse, il ne faut pas que le client se sente trop confortable, sinon ça l’insécurise, alors on lui fait la gueule.

L’homme savoura ses pommes de terre à l’huile et sa Wienerschnitzel au carton comme jamais personne n’avait savouré car il savait que le secret du bonheur était là, à portée de mains. Enfin.

– Voilà, monsieur, votre “secret du bonheur”, lui dit alors le personnel de service en lui tendant une assiette avec dessus une petite portion de tarte Tatin, un mini moelleux au chocolat et une boule de glace vanille.
– Ah ?
– Ah oui et on m’a chargé de vous dire ceci : “N’engueulez pas le patron, la patronne s’en charge ! Un vieillard m’a dit et il avait raison si tu fais crédit tu perds ta maison ! ”
– Ça alors. C’est une métaphore ?
– Non, une buse.

L’estomac lourd et plein d’interrogations, l’homme repartit alors chercher le secret du bonheur. Ce qui commençait d’ailleurs à le rendre malheureux, ce qui était probablement une métaphore. Ou une buse.

Soudain, il rencontra un vieil homme, l’air guilleret.

– Dis-moi, vieil homme, quel est le secret du bonheur ?
– Acheter des tas d’objets. Plein. Toujours.
– Ah bon ?
– Oui.
– Ça alors.
– C’est prouvé.
– Mais le vrai bonheur n’est-il pas à l’intérieur de nos coeurs ?
– Non.
– Ne seriez-vous pas un vendeur d’objets désireux de me gruger ?
– Ah, oui. Acheter des tas d’objets et gruger.
– Merci pour ce beau secret.

Mais l’homme ne voulait pas se résoudre à accepter cette morale, car il avait une éthique protestante. Soudain, une jeune femme apparut devant lui.

– Dis, pourquoi c’est que des mecs, dans ton histoire ?, demanda-t-elle à brûle pourpoint.
– Non, la serveuse, c’était une femme.
– Oui, et le patron un homme.
– Bah oui mais tu crois que les gonzesses elles ont le temps de chercher le secret du bonheur, avec les gosses et la vaisselle ?
– C’est sexiste.
– Ben oui. Car vois-tu, quand on pense au racisme, au sexisme, à toutes les inégalités, à la pollution et aux bébés chiens torturés, on est malheureux. Alors que quand on s’en fout, ça va », répondit le jeune homme, qui commençait à ressentir un profond bonheur car son interlocutrice était pas mal gaulée.
– Tu ne peux pas dire ça », lui répondit-elle.

Alors, penaud, l’homme s’en revint sur ses pas. Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Ah, je vois que tu es revenu. Ils reviennent tous. Alors le secret de la cuisson des pâtes, c’est qu’il faut les goûter.

(En réalité, mais ne le répétez pas, le secret du bonheur se trouve dans l’ouvrage “le Sens du Poil“, page 437)

8 Responses to “Happy zut, à la fin”

  1. Didou says:

    Moi moi moi, je sais ! 42 !!

  2. mlle-cassis says:

    Merci. Juste merci.

    (pourrais-tu rajouter le lien vers la recette des pâtes au fromage?)

  3. Super says:

    N’empêche que notre héros tient une piste avec son “quand on s’en fout, ça va”. C’est la base : rester indifférent à tout pour retrouver la paix intérieure, puis seulement ensuite se concentrer sur les choses positives.
    Un ermite dans une grotte disait aussi : “Aide et rend heureux les personnes qui sont avec toi maintenant, et tu auras trouvé le sens de la vie.” Ouais parce qu’il y a ceux qui cherchent le bonheur, et ceux qui cherchent le sens de la vie. Et ceux qui cherchent ce qu’ils doivent chercher. Et ceux qui regardent TF1.

  4. raph says:

    Et ceux qui cherchent leurs clés

  5. Laure says:

    Fantastique billet, merci!
    Mais mensonger: “Mais bon, les chevaux ne parlent pas.” Faux! Relis “Les Fleurs Bleues”… (De toute façon, c’est un peu comme les 5 fruits et légumes par jour, il faut relire “Les Fleurs Bleues” environ une fois par année pour son hygiène personnelle.)

  6. Nekkonezumi says:

    Le secret du bonheur doit plutôt être dans la recherche du bonheur car L’essence du Poil s’arrête à la page 279. Remboursez ! (mais je garde ma dédicace)

  7. Aurélia says:

    Bon sang, une vie entière à croire que le secret de la cuisson des pâtes c’était «ce qui est écrit sur le paquet moins deux minutes». Je me sens flouée.

  8. Monsieur Prudhomme says:

    Il est difficile d’attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout lorsqu’il n’y est pas.