A l’ombre des jeunes fruits en fleur

Hugo Lévy avait de tout temps voulu devenir écrivain, pour exacerber des sentiments trop longtemps enfouis, cracher sur le papier son incompréhension face aux dérives d’une société trop pressée et niquer des gonzesses, parce que quand tu es célèbre, tu niques plein de gonzesses.

Mais hélas Hugo avait l’imagination par trop collective. Connexion mystique ou mémoire facétieuse, il ne le savait pas, mais il avait fini par se rendre compte que toutes les histoires géniales qu’il inventait l’avaient déjà été avant. Il avait par exemple scénarisé la troublante aventure de jeunes tourtereaux dont hélas l’amour était impossible, leur famille se détestant cordialement depuis cette histoire avec la police. Mais il apprit, au détour d’une conversation anodine avec sa grand-tante Irma, qu’une histoire de ce genre avait déjà été racontée avant, sans l’anecdote de la police, mais quand même, ça ressemblait un peu.

Il froissa son brouillon, ce qui n’était pas évident vu qu’il était au format pdf, et le jeta, avant d’attaquer l’histoire d’une femme qui s’ennuie dans son mariage, rêve de grande vie et tombe malade, mais découvrit hélas que c’était le résumé exact d’un fameux épisode de la clinique de la forêt-noire. Hugo ne pouvait se résoudre à n’être qu’un vulgaire copieur, il était en effet très à cheval sur les principes, car il était issu d’une famille de cavaliers. Il était toutefois déçu car sa version comportait un passage burlesque dans lequel l’héroïne décidait de tout plaquer pour devenir lanceuse de couteaux dans un cirque.

Il venait d’abandonner ses projets de saga familiale au temps de la Préhistoire, trop proche d’un particulièrement audacieux roman-photo retrouvé par hasard dans un vieux Confidences, se disait que toutes les bonnes idées ont déjà été eues et songeait à adopter un nouveau but dans sa vie, par exemple devenir le meilleur plombier-zingueur de tout Reuchenette, quand, dans un dernier soubresaut de motivation, il décida de passer une annonce sur internet pour chercher une Muse.

Mais la seule qui lui répondit était une Muse un peu usée. Elle avait inspiré trois-cent vingt-neuf romans, dont un qui évoquait les aventures d’une langouste transsexuelle, puis les jeunes auteurs s’étaient mis à ne plus rêver que de devenir scénaristes de séries, tandis que, pour une raison qui lui échappait, les vieux auteurs qu’elle avait musés préféraient réécrire le même roman chaque année mais en changeant discrètement un détail, genre la langouste transsexuelle devenait un ramoneur bulgare.

Mais la Muse était un peu rouillée et Hugo se retrouva à ne plus même être capable de brouillonner la moindre liste de courses. Par contre, Hugo avait résolu son problème initial et se dit donc que ce n’était pas si grave, il allait faire autre chose, par exemple de la soudure artistique. Ils vécurent heureux et écrivirent ensemble un livre de blagues sur les oiseaux qui s’est écoulé à onze exemplaires.

26 Responses to “A l’ombre des jeunes fruits en fleur”

  1. MarcelD says:

    Preum’s ?!!!

    Explosé de rire du début à la fin. A voix haute ça atteint des sommets lyriques insoupçonnables.

  2. Chick says:

    Quelle injustice que l’échec commercial de leur ouvrage commun, qui contenait pourtant la meilleure blague du monde, celle des pies… Groumpf.

  3. Cohen says:

    Personnellement, je serai assez intéressé par le livre sur la langouste.

  4. Marie says:

    Du coup, je vais te relire à voix haute, parce que déjà dans ma tête, j’ai bien ri !

  5. M.Shadock says:

    La Bovary en lanceuse de couteau, moi, j’aurais acheté !

    Surtout pour la scène d’agonie de son suicide au crottin d’éléphant.

    Bon, c’est pas tout ça, j’en suis resté à « nique la Muse »…

  6. Aude says:

    On peut les acheter où les soudures artistiques d’Hugo?

  7. TT02 says:

    Comment peut-on abandonner un tel projet ?
    “la saga familiale au temps de la Préhistoire”

  8. djib says:

    Pour les gonzesses, ok, mais pour la bouffe, je vois pas c’que tu veux dire, t’aurais envie de manger quoi, par exemple ?

  9. rahan says:

    T’es sûr que tu préfèrerais pas une bonne ouiche lorraine ?

    Mais de trève de galéjades, moi aussi j’ai trouvé la Muse, en même temps c’était pas bien dur, c’est la première réponse de google : http://www.muse.mu/

  10. joseph says:

    et la langouste vieillissante rendit un dernier soupir ! la muse ne tarit pas des loges mais les critiques qui en pinçaient pour elle invoquèrent Saint Jacques dont la réponse fusa “oh marre des grands crus tassés”

  11. Sia says:

    on dit pas une “ouiche lorraine”, on dit “quiche lorraine”.

    (cette référence ma Muse)

  12. raph says:

    Je suis un peu déçu par le peu de jeux de mots dans ces commentaires (j’adore les jeux de mots, un rien ma Muse)

  13. raph says:

    (oui ok je viens de faire exactement le même que Sia)(c’était un exemple)

  14. rahan says:

    Ca doit être l’antispam qui agit comme une Muse lierre…

  15. djib says:

    Oh ce qu’on s’amuse, oh ! (de boeuf)

  16. raph says:

    ça commence à m’user (Branly)

  17. Laurine says:

    “Hélas, Hugo avait l’imagination par trop collective”. Au début, je n’ai pas pensé au plagiat.

  18. raph says:

    Tu as pensé à quoi ?

  19. trollquirigole says:

    Raph, les facéties à onze avec Hugo, c’est moyen qd meme non?
    Alors que Tante Irma dans “la croisière, sa muse”, ca, ça a de la gueule!

    Je reprendrai bien du poney môa, aprés la langouste…

  20. Je Rêve says:

    La clinique de la forêt noire et tous ses professeurs Brinkman… rhaaaa lalalalaaa….
    (sans dec, c’est des références qui ressortent toutes seules ou bien tu fais des recherches ???)
    (euh non, pas de jeu de mot, je suis pas terrible en jeu de mot)(faut croire que ma muse-tache)
    (ah tu vois, je te l’avais dit !)

  21. raph says:

    J’ai un peu honte de l’avouer: la seule recherche que j’ai faite pour ce post, c’est le résumé de mame Bovary

  22. Fincas'Hic…hic… says:

    C’est, c’est marrant vos… hic, histoires de … hic, d’inspiration lit’hic… littéraire, mais moi j’ai quand même tendance à …hic… préférer la muse… hic.

  23. Jilian says:

    Faudra qu’on me montre un gens bourré qui fait “hic”, d’ailleurs, une fois

  24. raph says:

    quand tu veux, si tu fournis l’alcool

  25. Fincas'Hic…hic… says:

    Ouaip’
    Moi non plus j’y croyais pas, jusqu’au…HIC…jour où, oui, je m’en suis payé un…HIC… beau de hoquet, et saoul comme un co…HIC… chon !
    Alors vas-y, Jilian, envoie l’alcool.