Oh, épitaphe, à la fin !

Faut-il bloguer en 2015 ?

Souviens-toi, c’était aux alentours de jadis, un mardi. Quelques pionniers écrivaient des articles sur les weblogs sur leurs weblogs quand soudain, l’un d’entre eux se dit “hé, si on faisait un genre de plateforme facilement accessible à tous histoire d’avoir de nouveaux copains avec qui parler de weblogs ?” et ce fut aussitôt la gabegie, la porte ouverte, la boîte de Pandore. Les nouveaux arrivés, au lieu de parler de weblogs, comme tout le monde, se mirent à aborder toutes sortes de sujets, mais essentiellement à parler d’eux, car c’était marqué dans le journal, le weblogue est un genre de journal intime sur internet.
C’était une époque de franche camaraderie. Les gens parlaient d’eux, d’entre gens venaient dans leur commentaire leur dire lol trop vrai ma belle viens chez moi moi aussi je parle de moi regardez-moi regardez-moi regardez-moi et ceux qui parlaient le mieux d’eux étaient trop des stars avec parfois jusqu’à cent visiteurs uniques par jour, bien sûr, ils ne passaient pas leur temps à regarder leurs statistiques, c’était plus par curiosité.
Mais certains, car ils n’avaient pas assez de choses à raconter sur leur vie, les nuls, se mirent à parler cuisine, mode ou à dessiner des petits mickeys sur leurs weblogs, qui entre-temps s’appelaient blogs. D’autres gens qui eux aussi cuisinaient, s’habillaient ou dessinaient, se mirent à les imiter. De fil en aiguille, certains hérétiques se mirent à commenter des blogs alors qu’eux-même ne bloguaient pas, sans attendre de clic en retour, juste parce qu’ils avaient quelque chose à dire. Il y en avait deux types : ceux qui laissaient des commentaires constructifs et utiles comme “lol trop vrai épouse moi !!!” et les méchants, destructeurs, aussi appelés sales trolls, qui ne pensaient qu’à faire le mal en laissant des commentaires agressifs et réducteur tels que “excuse-moi de te déranger, mais tu as écrit débarasser alors que ça prend deux r, enfin, tu fais comme tu veux, on est ici chez toi”. Heureusement, ils étaient immédiatement hués virtuellement par la vindicte populaire.

Mais le temps passe, et emporte avec lui les lols des preumseurs. Un jour, Jean-Gringoire, auteur du célèbre blog “Blog… de glace !!!”, sur lequel il analysait avec finesse la politique, les séries, la musique et la paléontologie sans oublier de régulièrement donner son opinion sur le dernier post de “ça déblogue !!!” qui évoquait la réaction de “ras le blog” sur la récente prise de position de “another wordpress blog” quant à la dernière édition de “A la recherche de la nouvelle star” (qui n’était pas un blog mais une émission télé), s’étonna d’avoir reçu la bagatelle de zéro commentaires alors qu’il avait publié son article depuis déjà huit minutes. Il s’en fut chez un réparateur pour faire analyser la situation mais las, rien n’y fit, les commentaires étaient décédés, partis sous d’autres cieux liker des retweets.

Jean-Gringoire laissa peu à peu son blog prendre la poussière. Il ouvrit un tumblr, c’était quand même vachement mieux, où il commentait l’actualité avec des gifs animés. Il était régulièrement publié dans Slate, où il réagissait avec virulence aux dernières déclarations politiques, s’indignait contre un article de 2008 d’un fanzine néo-zélandais dans lequel il était écrit “certaines femmes portent des robes” et “le ragoût de boeuf se cuisine à partir de viande de boeuf”, ce qui heurtait ses sensibilités féministes et véganes. Parfois, il avait un peu la nostalgie, cette époque de liberté et d’audaces, qu’en restait-il aujourd’hui ?, tout en préparant son top 10 des acteurs qui ont des jambes qu’il espérait revendre à prix d’or à Topito.

Mais pendant ce temps-là, d’autres continuaient, contre vents et marées, à bloguer, car ils avaient à coeur de partager leur passion pour la mode et les articles sponsorisés.

Et d’autres parce qu’ils avaient refusé de suivre la voie de la modernité et que Slate ne les avait toujours pas contactés. Et ceux-là se demandaient parfois : “faut-il bloguer en 2015 ?”

Et se répondaient bah ouais, pourquoi pas ? Après tout, y a bien des gens qui font du scrapbooking ou du trampoline.

***

Quant à moi, je me disais tout de même que douze ans de blogging, c’était beaucoup et qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose, non ? On se croise au détour d’un vent contraire, d’une bière ou d’un de ces nombreux réseaux sociaux dont les jeunes raffolent et on se dit merci, bisous, salut ?

60 Responses to “Oh, épitaphe, à la fin !”

  1. raph says:

    C’est un peu facile d’attendre le moment où je me dis Go home, ils ne viendront plus, là pour revenir

  2. fonji says:

    J’ai retardé ton départ de ton boulot ? Ah, oups, désolé monsieur, mais je ne pouvais pas savoir et pi y avait cette belle case bleue là où on pouvait écrire dedans, comprenez, c’était tentant, et y a un bouton dessous alors j’ai voulu cliquer et pi ben fallait que je finisse un truc mais j’avais pas trop envie alors j’ai préféré venir ici et en plus voilà. Comprenez.

  3. Super says:

    10 mois qu’il n’y a pas eu de nouveau billet ici.
    10 mois que ce n’est pas vrai !
    (… et attendez de voir le jeu de mot pourri que je prépare pour le 25ème anniversaire de la mort de ce blog…)

  4. raph says:

    Je voudrais liker ce commentaire

  5. fonji says:

    Tiens, la mise ? jour de PHP a aussi cass? le blog bleu :(

  6. fonji says:

    Bonjour :)

  7. fonji says:

    OHAÏ

  8. 1/08/2017 : Slate t’a-t-il contacté depuis ?

  9. fonji says:

    LE BISOU

  10. You des Alpages says:

    Ah bin oui tiens, le bisou.