Bigger, Faster, Dicker

– Tiens, Gunda, on te voit beaucoup en ce moment.
– Oui.
– Des soucis avec Ramuntcho, ton amant mexicain ?
– Arrête, on ne rigole pas avec ces choses-là. Le pauvre… Bref. Tu as lu le Dicker ?
– J’ai eu une Black & Decker, une fois, enfin, elle était à un copain, j’ai lu le manuel, après j’ai pas osé m’en servir, c’est super dangereux.
– Mais arrête, tu embarrasses tout le monde. Bon alors le Dicker, c’est un livre qui a été écrit par un Suisse et qui a presque eu le Goncourt.
– Ah oui, je connais ça, les presque. J’ai d’ailleurs presque eu une idée géniale aujourd’hui. Mais c’est bizarre, comme titre, pour un livre, “le Dicker”, non ?
– Non mais c’est comme ça qu’on dit, à Paris, en fait ça s’appelle “La vérité sur l’affaire Harry Potter”, parce que c’est important, pour avoir le Goncourt, d’avoir un titre long, par exemple “La guerre selon Charlie Winston” ou “La vérité sur l’affaire Harry Potter”.
– Bon ben mon premier roman s’appellera “Les mystérieuses aventures du vieux qui ne voulait pas aller à la piscine de Central Park à cause des écureuils le mardi qui se cachent pour mourir dans les songes d’un froid d’été…”
– Ta gueule. Bon. tu as lu le Dicker ?
– Non. C’est bien ?
– A Paris, on ne lit jamais les livres dont on parle. C’est une règle. Mais il se vend bien, donc à Paris, on n’aime pas trop, mais…
– Excuse-moi mais tu es Parisienne ?
– Non mais j’étais en stage.
– Tu es imaginaire et tu vas traîner à Paris alors qu’il y a des tas d’endroits plus glamour comme La Membrolle-sur-Choisille ?
– Donc le Dicker, c’est un livre qui raconte l’histoire d’un écrivain.
– Ah pas mal, ça, comme idée ! Ça n’a jamais été fait, si ?
– Non, c’est la première fois. Mais j’ai pensé que toi, tu pourrais écrire l’histoire d’un écrivain qui écrit l’histoire d’un écrivain.
– Ah oui, pas mal. Ça se passerait à Morges.
– Non, aux States. C’est important, quand on est un écrivain suisse qui marque le renouveau de la littérature romande de bien faire croire qu’on est américain, sinon après les gens trouvent ça mal écrit, à cause de l’accent.
– J’ai lu un Chessex, une fois. Ça se passait à Payerne. C’était bien. Tellement bien écrit que j’ai fait six mois de dépression. Mais il n’y avait pas d’écrivains, que des bouchers.
– Donc c’est l’histoire d’un écrivain de San Francisco qui écrit l’histoire d’un écrivain de Los Angeles qui va à Miami sur les traces d’un écrivain pour s’inspirer… Je te le note ou tu vas retenir ?
– Non non… Ça a l’air bien pour le moment. Il peut rencontrer des aliens contaminés par des OGM en route ?
– Non. Que des écrivains. Tous très riches et très beaux.
– Ah mais ça va être chiant, un peu. Il pourrait pas y avoir aussi un trentenaire un peu loser et des poulets ninja ?
– Le policier ?
– Non, l’animal.
– Non.
– Le policier alors ?
– Non.
– Et des ours ?
– Ça, à la limite. Mais seulement s’il y a des écrivains concupiscents dont la meilleure amie est une quadragénaire lesbienne qui écrivent des romans à succès qui racontent l’histoire d’écrivains à succès dont la meilleure amie est une quadragénaire lesbienne.
– Ça me rappelle un truc.
– Non.
– Bon ben je m’y mets.
– 600 pages minimum.
– 600 pages pour un post de blog ?
– Minimum.
– Ah parce que moi j’étais plutôt parti sur 16 lignes.
– Tu signeras jamais le renouveau de la littérature romande avec tes conneries.
– J’ai lu un Chessex une fois. Il faisait dans les 22 pages. J’ai vomi trois fois. C’était super bien écrit.
– Et puis pas de dialogues trop longs, hein ? Tu sais que tu dois arrêter, avec ça ?
Il ferma la porte dans un doux bruissement d’ailes. La sueur perlait sur son front évanescent.
– Merde, mais arrête avec tes adjectifs incongrus », lâcha Gunda dans un dernier soupir.
Il se remit à la tâche. Tout en saisissant d’une main Friedholm, sa fidèle haltère, il entonna de l’autre le chapitre 650 de sa saga, un roman audacieux dans lequel le héros, un écrivain en mal d’inspiration après le succès foudroyant de son roman “L’écrivain qui recherchait l’inspiration après le succès foudroyant de son roman sur un écrivain”, partait sur les traces d’un célèbre écrivain. Soudain, une sculpturale blonde entra dans la pièce. Il la reconnut sans peine. C’était Fiodor, son épouse, qui n’était pas écrivain.
– Merde, mais arrête, tu salis tout. », constata Gunda dans un croassement fugace.

14 Responses to “Bigger, Faster, Dicker”

  1. Je crois que ça a déjà été fait.
    Borges parle beaucoup de livre et d’écrivains dans ses nouvelles.
    Et pour un niveau de profondeur de plus, je considère la nouvelle http://www.madore.org/~david/lit/proped.html qui est pour moi fantastique

  2. raph says:

    Bien sûr que ça a déjà été fait. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_selon_Garp (génie)

  3. funambuline says:

    Arrêtes, tu te fais du mal, viens plutôt boire une bière. Promis, on rigolera à tes blagues (trop longues).

  4. raph says:

    Je ne me fais jamais de mal en citant John Irving (parfois un peu en le lisant, à cause de ma tendance à la somatisation)

  5. Evren says:

    Alors toi aussi tu traînes dans les librairies au lieu d’écrire ton grand roman américain… Ton titre me semble un très bon début.

  6. M.Shadok says:

    Et tout le monde sait que « il vaut mieux l’avoir blanche et droite que Black & Decker. »

    Bon, je sais, c’est vieux et très mauvais. Donc désolé, c’était juste un court-circuit : je sors d’ici tout de suite avant de faire pire…

  7. Sebika says:

    En lisant les commentaires de ce billet j’ai :
    – lu les mots sodomite et pipi
    – trouvé que parfois le premier degré c’est effrayant.
    J’en conclus donc que :
    – un message subliminal se cachait dans le corps du texte…
    – Ils sont parmi nous
    – la solution trois.

  8. raph says:

    Sebika : ce sont des thèmes importants chez Irving, je ne sais pas si c’est ce que tu voulais dire ?

  9. Fofo says:

    Il y a quelque chose qui me chiffonne : si Gunda émet un dernier soupir, c’est qu’elle meurt, ou au minimum qu’elle disparaît, non ? Alors comment peut-elle reprendre la parole quelques lignes plus loin ?

    Je pense que tu as besoin d’une relectrice. Quand tu auras fini tes 600 pages, fais-moi signe.

  10. Poulet Ninja says:

    Arrrrrg, et pendant un instant j’ai cru que j’aurai enfin mon heure de gloire !

  11. Nitt says:

    Je la trouve un peu sectaire Gunda, non ? T’as songé à changer de muse, des fois ?

  12. raph says:

    Nitt : Gunda est Community Manager (et un peu manager, apparemment), pas muse !

  13. Nitt says:

    Raph : Ah bon ? C’est pas la même chose ?

  14. Leïleï says:

    Merci.