Tie break

Longtemps, l’homme préhistorique a marché nu. Puis il s’est dit “on dirait que ça se rafraîchit, non ? Il y aurait une petite glaciation qui se prépare que ça m’étonnerait pas” et a inventé les habits.
Au début, ça restait assez basique : les habits d’un jour reflétait souvent le repas de la veille (parce qu’ils chassaient, je veux dire, pas parce qu’ils s’habillaient avec des assiettes). On tuait un mammouth et toute la tribu revêtait des pelisses de mammouth, on abattait un lapin et on avait un peu froid mais ça faisait un joli bonnet (qui a d’ailleurs inspiré les actuels bonnets militaires helvètes), on se débarrassait d’un tigre à dents de sabre et les rayures revenaient en force ce printemps.

Comme nous l’avons déjà vu, à cette époque, on s’ennuyait ferme, car il n’y avait pas encore 112 nouvelles chaînes du câble par jour. Mais cet ennui était propice à l’invention de mille nouvelles distractions.

Un jour, un dénommé UuhhGruhhhhhhhr proposa à quelques amis une activité ludique à laquelle personne n’avait jamais pensé :
– Alors on s’assied devant la caverne, on regarde les gens passer et on critique comment ils sont habillés.”
– Ah mais pourquoi ?”
– Ben c’est rigolo.”
– Ah bon ?”
– Mais si, essaie pour voir.”
– Ah ben lui, là, avec ses moufles en peau de biche… Il me fait vraiment penser à une biche.”
– Ouais non, t’as raison, c’est assez nul…”

Mais pourtant, l’idée d’UuhhGruhhhhhhhr finit par prendre et petit à petit, tout le monde s’adonnait à ce nouveau concept logiquement “bichage”. Il décida de mettre sur pied une petite société secrète chargée de déterminer, année après année, ce qui était désormais à la mode, pour que tout le monde sache bien de qui se moquer et de qui ne pas se moquer sinon après c’est l’anarchie.

Grisé par le succès, il ne cessait d’inventer de nouvelles idées toujours plus tordues.

– Alors on dirait qu’une femme serait obligée avant de sortir de chez elle de se plaquer des tas de couleurs faites à base de charbon et d’animaux morts sur le visage.”
– Yiiik.”
– Et aussi, elles devraient marcher avec l’arrière du pied plus haut que l’avant.”
– Mais c’est idiot !”
– Mais non. Et elles devraient s’arracher régulièrement tous les poils, même ceux du visage, sinon elles seraient la risée de la population.”
– Non alors ça, non, mon pauvre vieux UuhhGruhhhhhhhr, une femme sans poils, ça ne marchera jamais.”
– Oh mais vous avez pas le sens du cool.”
– Mais y en a que pour les femmes, dans ton truc ?”
– Oui. J’aime bien les femmes.”
– Non mais faudrait trouver un truc aussi pour les hommes sinon ils vont se sentir lésés. Qu’est-ce que tu dirais de ça : le comble de l’élégance, pour un homme, ce serait de s’attacher un truc autour du cou !”
– Non.”
– Mais il y en aurait avec des chats ! Ou des rayures !”
– Oui… non !”
– Non mais regarde, ça ferait super joli sur une chemise bien repassée.”
– Une quoi bien quoi ?”
– Attends, je vais te montrer… voilà…. non c’est pas bien serré, encore un peu plus… voilà, parfait !”

Et c’est grâce à cette intervention salvatrice bien qu’un peu trop musclée (ne faites pas ça chez vous les enfants), première victime de la mode de l’histoire, qu’on n’entendit plus jamais parler d’UuhhGruhhhhhhhr et de ses sinistres idées.

9 Responses to “Tie break”

  1. Monsieur Prudhomme says:

    Ainsi donc voila retracée la généalogie des fashion victims. Un grand texte anthropologique devant lequel je ne peux que m’incliner.

  2. TT02 says:

    Moi je serais assez pour le défrisage des poils de la tête. Remarques la remise en blanc des canines et de ses copines c’est pas mal non plus.

  3. pouny says:

    Bonjour Bonpourtonpoil.

  4. Miss Virgule says:

    *reflétaient* (pardon, c’est plus fort que moi)

  5. raph says:

    C’est tout à ton honneur. A ce propos…

  6. NUT says:

    y’avait déjà des notaires?

  7. ag. says:

    Genre “comment j’ai mangé mon père”, très drôle :-) – surtout les rayures qui reviennent en force ce printemps, et le bichage bien sûr !

  8. M'dame Jo says:

    Ah bah voilà qui est en plein dans le mille. Je ris un peu jaune.