Archive for May, 2015

Oh, épitaphe, à la fin !

Thursday, May 7th, 2015

Faut-il bloguer en 2015 ?

Souviens-toi, c’était aux alentours de jadis, un mardi. Quelques pionniers écrivaient des articles sur les weblogs sur leurs weblogs quand soudain, l’un d’entre eux se dit “hé, si on faisait un genre de plateforme facilement accessible à tous histoire d’avoir de nouveaux copains avec qui parler de weblogs ?” et ce fut aussitôt la gabegie, la porte ouverte, la boîte de Pandore. Les nouveaux arrivés, au lieu de parler de weblogs, comme tout le monde, se mirent à aborder toutes sortes de sujets, mais essentiellement à parler d’eux, car c’était marqué dans le journal, le weblogue est un genre de journal intime sur internet.
C’était une époque de franche camaraderie. Les gens parlaient d’eux, d’entre gens venaient dans leur commentaire leur dire lol trop vrai ma belle viens chez moi moi aussi je parle de moi regardez-moi regardez-moi regardez-moi et ceux qui parlaient le mieux d’eux étaient trop des stars avec parfois jusqu’à cent visiteurs uniques par jour, bien sûr, ils ne passaient pas leur temps à regarder leurs statistiques, c’était plus par curiosité.
Mais certains, car ils n’avaient pas assez de choses à raconter sur leur vie, les nuls, se mirent à parler cuisine, mode ou à dessiner des petits mickeys sur leurs weblogs, qui entre-temps s’appelaient blogs. D’autres gens qui eux aussi cuisinaient, s’habillaient ou dessinaient, se mirent à les imiter. De fil en aiguille, certains hérétiques se mirent à commenter des blogs alors qu’eux-même ne bloguaient pas, sans attendre de clic en retour, juste parce qu’ils avaient quelque chose à dire. Il y en avait deux types : ceux qui laissaient des commentaires constructifs et utiles comme “lol trop vrai épouse moi !!!” et les méchants, destructeurs, aussi appelés sales trolls, qui ne pensaient qu’à faire le mal en laissant des commentaires agressifs et réducteur tels que “excuse-moi de te déranger, mais tu as écrit débarasser alors que ça prend deux r, enfin, tu fais comme tu veux, on est ici chez toi”. Heureusement, ils étaient immédiatement hués virtuellement par la vindicte populaire.

Mais le temps passe, et emporte avec lui les lols des preumseurs. Un jour, Jean-Gringoire, auteur du célèbre blog “Blog… de glace !!!”, sur lequel il analysait avec finesse la politique, les séries, la musique et la paléontologie sans oublier de régulièrement donner son opinion sur le dernier post de “ça déblogue !!!” qui évoquait la réaction de “ras le blog” sur la récente prise de position de “another wordpress blog” quant à la dernière édition de “A la recherche de la nouvelle star” (qui n’était pas un blog mais une émission télé), s’étonna d’avoir reçu la bagatelle de zéro commentaires alors qu’il avait publié son article depuis déjà huit minutes. Il s’en fut chez un réparateur pour faire analyser la situation mais las, rien n’y fit, les commentaires étaient décédés, partis sous d’autres cieux liker des retweets.

Jean-Gringoire laissa peu à peu son blog prendre la poussière. Il ouvrit un tumblr, c’était quand même vachement mieux, où il commentait l’actualité avec des gifs animés. Il était régulièrement publié dans Slate, où il réagissait avec virulence aux dernières déclarations politiques, s’indignait contre un article de 2008 d’un fanzine néo-zélandais dans lequel il était écrit “certaines femmes portent des robes” et “le ragoût de boeuf se cuisine à partir de viande de boeuf”, ce qui heurtait ses sensibilités féministes et véganes. Parfois, il avait un peu la nostalgie, cette époque de liberté et d’audaces, qu’en restait-il aujourd’hui ?, tout en préparant son top 10 des acteurs qui ont des jambes qu’il espérait revendre à prix d’or à Topito.

Mais pendant ce temps-là, d’autres continuaient, contre vents et marées, à bloguer, car ils avaient à coeur de partager leur passion pour la mode et les articles sponsorisés.

Et d’autres parce qu’ils avaient refusé de suivre la voie de la modernité et que Slate ne les avait toujours pas contactés. Et ceux-là se demandaient parfois : “faut-il bloguer en 2015 ?”

Et se répondaient bah ouais, pourquoi pas ? Après tout, y a bien des gens qui font du scrapbooking ou du trampoline.

***

Quant à moi, je me disais tout de même que douze ans de blogging, c’était beaucoup et qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose, non ? On se croise au détour d’un vent contraire, d’une bière ou d’un de ces nombreux réseaux sociaux dont les jeunes raffolent et on se dit merci, bisous, salut ?

Utopie pour toi

Tuesday, May 5th, 2015

New Morges – mai 2057, un mardi. Reportage exclusif (sponsorisé par les bonbons à la saucisse Flügor, par les tondeuses Bonvin et par l’union suisse contre les arbres).

Nous avons retrouvé dans cette grotte des environs de New Morges une communauté étrange, qui vit recluse. Il nous a été difficile de les approcher, tant ses membres semblent méfiants. Mais comme ils semblent plus affamés que méfiants, nous avons pu les soudoyer facilement grâce aux bonbons à la saucisse Flügor, les bonbons qui rendront tous vos amis jaloux grâce à leur goût chaloupé.

C’est en effet ici que se réfugient, loin de toute civilisation, les exclus de Facegle. Chaque année, en effet, des centaines de personnes sont bannies de Facegle pour avoir contrevenu aux règles d’utilisation – des règles qu’ils ont pourtant signées lors de leur inscription, le lendemain de leur naissance. Ne faites pas ça chez vous, les enfants, ne contrevenez pas aux règles, sinon vous vous ferez pincer les doigts très fort.

Attention, les images qui suivent peuvent choquer. En effet, ces gens n’ont pas été bannis pour des broutilles ou des billevesées. En effet, ils ont commis des actes graves, des actes répréhensibles, si tout le monde faisait comme eux ce serait l’anarchie, est-ce bien ça que vous voulez ?

Je vous propose de les huer pendant une minute.

Si le temps vous semble long, pourquoi ne pas utiliser une tondeuse Bonvin pour tondre votre jardin ?

Voilà. Nous avons donc rencontré Jaynyfayr Dévanthéry, exclue de Facegle en avril 2056 pour avoir orthographié son nom Jennifer parce que, je cite, “ça faisait un peu stylé”.
Oxmo Legendre, coupable d’avoir détourné le regard pendant une publicité. Alors qu’elle était en plus très drôle.
Fiodorina Grörh, bannie pour harcèlement sexuel après avoir demandé “Salut sa vas” à un jeune homme sur le réseau social Facegle, le réseau social de toutes vos envies, sans en avoir préalablement sollicité la permission.
Et enfin Suharto Bollomey, spéciste récidiviste, qui poste régulièrement des photos de chatons sous prétexte qu’ils sont trop mignons, cruelle objectification de l’animal que nous ne saurions tolérer.

Alors bien sûr, ces gens ont bien mérité ce qui leur arrive.

Mais tout de même. Bannis de Facegle, ils ne peuvent plus avoir accès aux offres d’emplois, ils ne savent plus quand un appartement est à remettre, ils ne peuvent plus placer d’enchères pour acheter des légumes de synthèse ou de la viande recomposée et sont obligés de manger le fruit de la terre, comme des animaux, sans offense envers nos amis les animaux toutefois, mais tout de même. Ils ne peuvent plus savoir ni les résultats des compétitions de beach tchoukball, ni le temps qu’il fait.

Alors ne devrait-on pas leur pardonner ? Faut-il vraiment que ces gens paient toute leur vie pour une petite erreur ?

Moi je trouve que oui. Enfin, surtout à la deuxième question.

Huons les.

Ce reportage exclusif vous a été offert par les bonbons à la saucisse Flügor, par les tondeuses Bonvin et par l’union suisse contre les arbres.

Edern-Boutros Baumgartner, radio suisse romande, New Morges.