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Independenza

Tuesday, September 16th, 2014

Cette année-là, l’Ecosse décida de devenir indépendante. Cela donna des idées à la Catalogne, puis à la Vénétie, au Sud-Tyrol puis à la Bretagne, à l’Alsace, à la Bavière, à la Moravie, à la Transnistrie, au Texas, à la Galice, au pays Basque, au Québec, au Valais, à La Chaux-de-Fonds.
Les fabricants de drapeaux prospéraient comme jamais, les compositeurs d’hymnes nationaux faisaient des affaires juteuses, les douaniers revinrent en force, les cartographes avaient plus de travail que jamais. Mais ça ne leur servait pas à grand chose, les batteurs de monnaie n’arrivaient pas à suivre, et il était bien difficile de réussir à échanger ses batz piémontais contre des guinées carinthiennes. L’UEFA décida de faire passer le nombre d’équipes qualifiées pour les championnats d’Europe de football à 248, la présidence tournante de l’Europe des 943 revint à la Laponie orientale et je repris deux fois des nouilles, mais ça n’a rien à voir.

Et quand Jean-Pierre Bouchoires, de Melun, décida de devenir indépendant, l’Organisation des nations unies, qui était en train de bâtir en urgence de nouvelles salles dans un ancien hangar à bestiaux, déclara “Oui oh, bah, au point où on en est…”, ce qu’il fallut ensuite traduire en 9132 langues nationales, dont certaines n’avaient pas encore été finies d’inventer. Il y aurait officiellement dû y avoir quatre habitants dans la République vaguement démocratique populaire fédérale de Jean-Pierre Bouchoires mais, suite à une terrible guerre de sécession qui avait fait de nombreuses victimes parmi la population d’assiettes, sa femme était partie avec les gosses.

Jean-Pierre Bouchoires célébra immédiatement cette grande victoire de la démocratie par une grande fête nationale, au cours de laquelle il engloutit de grandes quantités du plat national, des pâtes au gruyère, accompagné de la boisson nationale, sa bière maison qu’il devait hélas brasser à l’étranger, à la cave. Hélas, il tomba aussitôt victime d’une intoxication alimentaire probablement ourdie par des agents anti-indépendantistes des pays voisins, et dût bien constater que le système médical local, un doliprane qui traînait dans son armoire à pharmacie, était quelque peu défaillant.

Mais il en fallait plus pour freiner l’enthousiasme nationaliste de Jean-Pierre Bouchoires. Il entreprit de s’attaquer au problème politique numéro 1 qui rongait son jeune état : 100% de la population locale partait quotidiennement travailler dans le pays voisin, l’empire gâtinois, et y payait ses impôts, les plaques de la voiture, le keno et l’apéro aux copains. Hélas, il ne parvint pas à trouver d’accord durable avec le ministre des finances, qui était parti pêcher. Alors Jean-Pierre Bouchoires déclara à l’unanimité une semaine de congés officiels pour fêter l’indépendance encore un peu et se fit renvoyer. Comme le système social bochoirien était encore un peu vacillant, il se trouve fort dépourvu. Il décida alors de tenter de développer l’industrie nationale du collier de nouilles,mais il n’eut pas le temps car il devait disputer le championnat national de 100 mètres, qu’il remporta haut la main en 19 secondes 14, ce qui lui permit de se qualifier pour les Jeux olympiques de Montbéliard.

Et c’est à ce moment-là qu’il fut victime d’une terrible agression militaire de la Baronnie Libre Démocratique et Féodale des Voisins de Jean-Pierre Bouchoires, qui avait des visées sur ses importants gisements de chatons car Minouche, sa chatte, ministre d’état des animaux mignons, du développement touristique, de l’accès à la mer et de la défense, venait de mettre bas.

Après 19 jours d’un siège terrible que l’Histoire retiendra sous le nom de bataille du 4ème étage à gauche, il dut rendre les armes, qu’il avait empruntées à un ami.