Archive for May, 2011

Tourner l’étalon

Wednesday, May 25th, 2011

Ceux qui me connaissent vous le diront : je suis tout sauf raciste.
Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de me méfier des chevaux.

Trop longtemps, l’attention s’est focalisée sur le cousin du cheval, le poney, et je meaculpe volontiers, ayant moi-même participé à cette campagne de dénigrement. On se méfie plus facilement du poney, en raison de sa taille : tout le monde sait que les petits sont fourbes. Mais le cheval, lui, qui a réussi, grâce à des complicités haut placées, à faire passer dans l’opinion publique cette idée saugrenue selon laquelle il serait la “plus belle conquête de l’homme”, inspire confiance. Mais le cheval n’est pas notre ami ! Essayez de le réveiller, en pleurs, à quatre heures du matin pour lui confier vos problèmes : il se contentera de vous hennir au nez. Carrément snob, il ne peut être rouge, vert ou bleu comme vous et moi : il faut qu’il soit alezan, pie voire isabelle.

Le cheval est malin et patient. Il a su, en se laissant grimper sur le dos par le premier venu, s’immiscer jusque dans les hautes sphères. Regardez autour de vous : les statues équestres sont partout, alors que les autres animaux sont généralement exclus de l’espace artistique urbain. Jamais on n’a entendu parler d’une personne victime d’un malencontreux coup de sabot de la part d’un canard col-vert. Rares sont les accidents dus à une chute d’ornithorynque. Voit-on des statues de col-vert ou d’ornithorynque ? Non. Jamais. Alors que les chevaux, eux, sont partout. Cela contribue à donner d’eux une image sympathique, et je ne serais pas étonné d’apprendre qu’ils jouissent de solides complicités au sein de milieux sculpturaux. Et ne dit-on pas “tenir les rênes du pouvoir” ? Preuve que même les mecs du dictionnaire sont complices, innocents ou non, de la volonté hégémonique de la gent équestre. De nombreuses autres expressions prouvent la main-mise du mouvement hippique dans notre vocabulaire quotidien : “avoir le mors aux dents”, “se remettre en selle”, “cheval dire à ta mère”, “une haridelle ne fait pas le printemps”, “bourrin peu ça va passer”.

De même, et on ne m’ôtera pas de l’idée que c’est profondément injuste, le cheval est le seul animal autorisé à participer aux Jeux Olympiques. Alors que le pigeon, oiseau à la grise robe, est contraint de rester d’argile durant les joutes, le cheval, lui, galope à sa guise sous les feux des projecteurs. Une manigance de plus pour tirer la couverture à lui.

Autrefois, bien entendu, le cheval contribuait à la bonne marche de la société en la trimballant sur son dos ou en participant aux travaux des champs. Aujourd’hui devenu oisif, il a tout loisir de fomenter. Or, de type herbivore comme ses congénères bovins, il vit en permanence dans son manger. Un exemple lamentable pour notre jeunesse, et un facteur évident de troubles moraux. La vache, au moins, se fait pardonner en contribuant à l’effort fromager national. Mais le cheval, lui, est au-dessus de ce type de préoccupations.

Enfin, last but not least, comme disent les anglo-saxons : Comme le regretté Charly Oleg, le cheval vit dans des manèges. Or, qui fréquente les manèges ? Les enfants. De là à soupçonner l’équidé de tenter de pervertir notre jeunesse, il n’y a qu’un pas.

Oui, oh, riez. Mais quand ils auront fermé toutes les boucheries chevalines pour les remplacer par des foineries, vous ne viendrez pas dire que vous ne saviez pas.

Dormir Sans Kimono

Monday, May 16th, 2011

Le film du moment, c’est “De l’eau pour les éléphants”, un drame jungulaire bouleversant :

Les éléphants se réunissent pour désigner leur nouveau chef. Un moment important, car l’élu pourra mener la parade au printemps prochain. Mais Dodo, le vieux mâle, donné favori par les spécialistes en pachydermologie malgré son goût trop prononcé pour les défenses en ivoire massif, devient fou. En rut, il tente de s’accoupler avec tout ce qui bouge, y compris un meuble de jardin. Un ancien vampire abstinent est alors dépêché sur place pour tenter de lui donner une bonne douche froide, seul moyen de calmer Dodo. Mais tout cela ne cacherait-il pas un sordide complot des hippopotames, toujours aussi désireux de prouver qui c’est le plus fort ?

Dans le cadre du programme de soutien aux noms pénibles à porter, Reese Witherspoon et Christopher Waltz jouent dans ce film.

(Images allociné)


La jeune journaliste dépêchée sur place prouve bien vite son incompétence en matière d’éléphants.


Dépêché sur place, un célèbre chasseur d’éléphants s’équipe du matériel traditionnel nécessaire pour capturer le pachyderme selon les rites musulmans : un lion et un véhicule orné du numéro 83.


Pendant ce temps, la jeune journaliste continue d’interroger les éléphants selon les rites américains.


Fasciné par les gens qui n’y connaissent rien en éléphants, l’ex-vampire tombe immédiatement amoureux de l’ex-journaliste.


Ils décident de protéger l’éléphant du chasseur. Bien mal leur en prend.


Car l’éléphant, qui est fourbe, glisse alors du GHB dans le verre de la jeune fille.


Elle tombe alors immédiatement amoureuse de lui (c’est du GHB double-effet, très pratique). L’ex-vampire est déçu à juste titre.


Il décide de la défier dans un duel d’ultimate je te tiens par la barbichette.


Battu, il tente alors de s’immoler par accident de personnes


Mais Dodo lui redonne goût à la vie, à l’aide de la célèbre blague “Coucou, tu veux voir ma trompe ?”


Ils tombent immédiatement amoureux.


Une trépidante scène de restaurant, pour le marché français.


Je voudrais pas avoir l’air de critiquer, mais ils picolent quand même pas mal dans ce film.

Hotel California

Friday, May 13th, 2011

Ça fait longtemps que j’ai pas parlé musique ici, non ?
J’ai longuement hésité entre Mélanie Laurent et Bertrand Cantat, avant de finalement opter pour une petite jeune qui se lance.

Barbara
L’AIGLE NOIR
paroles et musique: Barbara

En plus, j’ai toujours bien aimé les aigles. Mon côté genevois.

Un beau jour ou peut-être une nuit

L’autre truc que j’aime bien, à cause de mon côté genevois, c’est la précision. Pour confondre le jour et la nuit, faut pas être très ponctuel. Ni très observateur, d’ailleurs, y a d’excellents indices pour distinguer les deux. Les programmes télé, par exemple.

Près d’un lac je m’étais endormie

Hippie !

Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,

Mais si, du ciel !

Surgit un aigle noir.

L’aigle étant un rapace diurne (qui glapit ou trompette)(ça n’a rien à voir avec la chanson, mais bon, c’est toujours utile à savoir)(par exemple en cas d’invasion du monde par des terroristes trivialpursuitiques), ça devait être un beau jour. On a résolu un mystère, je suis rassuré.

Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer

Justement, à la strophe d’avant, ça me dérangeait un peu : l’aigle est un oiseau plus tournoyeur que surgisseur (c’est connu).

Près de moi, dans un bruissement d’ailes,
Comme tombé du ciel

Non mais non, c’est normal, c’est parce que c’est un oiseau.

L’oiseau vint se poser.
Il avait les yeux couleur rubis

Je sais pas vous, mais je trouve ça super flippant.

Et des plumes couleur de la nuit

Ça non, ça va, un aigle noir aux plumes noires, je peux tolérer.

À son front, brillant de mille feux,
L’oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.

Je m’excuse d’insister sur des détails ornithologiques, mais à ce stade de la chanson, il faudrait qu’on sache si on a affaire à un aigle noir ou à un aigle royal. Alors bien sûr, certains diront “non mais noir, royal, c’est pareil, les aigles, de toutes façons, ils se ressemblent tous (mais quel sens du rythme)”, mais ils feront moins les malins quand Michel Noir sera candidate à l’investiture socialiste.

De son bec, il a touché ma joue

Il est quand même hyper-familier, comme aigle.

Dans ma main, il a glissé son cou

Même mon chat se permet pas des trucs pareils.

C’est alors que je l’ai reconnu

Ah mais c’était un aigle de ses amis ? Très bien, je suis pas sectaire, je trouve que comme animal domestique, un furet ou un ragondin, c’est plus facile à ranger, mais bon, chacun son truc. Par contre, sans vouloir jouer les trouble-fête parce que je ne saurais pas l’accorder sans regarder, j’ai envie d’insister sur le fait que la narratrice n’est pas très observatrice. Je veux dire, si mon wombat qui s’était enfui revenait en tournoyant lentement, je le reconnaîtrais sûrement avant la dernière minute, quoi.

Surgissant du passé

Mais non, du ciel.

Il m’était revenu.

Bon en même temps, je critique, je critique, mais c’est toujours émouvant, les histoires de retrouvailles qui impliquent des animaux domestiques exotiques.

Dis l’oiseau,

Non par contre, ce ne sont pas les aigles qui parlent, mais les mainates. Mais les gens confondent souvent.

o dis, emmène-moi

et ce truc d’aigles qui enlèvent des gens, c’est une légende, une rumeur colportée par ces sales jaloux de milans.

Retournons au pays d’autrefois

Le pays d’autrefois, je pense que c’est une métaphore pour parler du Jura, parce que soi-disant on aurait 25 ans de retard dans la région (vous ferez moins les malins en 2013).

Comme avant, dans mes rêves d’enfant,

Ah non, ça doit être un autre pays d’autrefois, aucun enfant ne rêve de ça.

Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.

Par contre, dans le Jura, y a des coins où on voit super bien les étoiles, et c’est joli. Mais les gens viennent plutôt cueillir des champignons, en général.

Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie

C’est météorologiquement confus, comme situation.

Et faire des merveilles.

Allumer le soleil, la pluie en volant sur un nuage, dans 5 minutes, ça finit en double arc-en-ciel et en licorne, tout ça.

L’aigle noir dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel

En même temps, t’es en train de te balader à dos de nuage, t’as plus besoin de lui alors quoi ? tu voudrais qu’il reste là à faire le poirier ? C’est un aigle, il est supposé être fier et altier, le mec. Il va pas attendre stoïquement que tu aies fini de gambader sur les nuages pour pouvoir faire taxi.

Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis

Ses larmes ressemblent à des rubis ? J’espère que tu as appelé les services vétérinaires, tu sais que les gens ne rigolent pas avec la maltraitance animale, de nos jours.

J’avais froid,

Oui ben c’est ça d’aller vadrouiller dans la stratosphère

il ne me restait rien
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin

En laissant ses affaires sous la surveillance d’un aigle. Je suis pas ornithophobe, j’ai pas mal d’oiseaux de proie parmi mes amis, mais quand même, on sait bien comment ils sont. On peut pas leur faire confiance. C’est culturel, chez eux : les oiseaux, ça vole, on le sait bien.

Un beau jour, ou était-ce une nuit

Sinon moi pour repérer, j’ai un truc : s’il fait jour, c’est que ce n’est pas la nuit.

Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.

C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir et d’un message fort : méfiez-vous des oiseaux surgis du passé, n’acceptez pas leur demande d’amis Facebook ni de faire du nuage avec eux. Et puis arrêtez de vous endormir n’importe où, ça fait clodo.

Quote d’alerte

Tuesday, May 10th, 2011

« Les citations, c’est comme le sel dans la soupe de nos existences. » Marc Lévi-Strauss de Toulouse-Lautrec.

Bienvenue dans cet atelier de fausses citations.

Une citation, ça fait toujours prestigieux. Jadis, nous émaillions nos dissertations de quelque trait d’esprit trouvé en ouvrant le dictionnaire au hasard, parce que nous étions persuadés que le prof allait trouver ça hyper classe mais surtout, parce que ça faisait toujours trois lignes de gagnées. Aujourd’hui, nous nous en servons pour de plus nobles desseins, faire le cool sur Facebook et appuyer nos dires car, comme le disait souvent Voltaire, « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais comme un mec mort célèbre a dit la même chose que moi, c’est bien la preuve que j’ai raison. »

Une fausse citation, ou citation apocryphe , c’est plus ou moins la même chose, mais en mieux. Bien réalisée, elle vous permettra de surfer sur la vague du buzz. « Pour faire de la bonne purée, il faut de bonnes patates. » (Mark Twain) aura en effet, statistiquement, bien plus de chances d’être relayée que « Pour faire de la bonne purée, il faut de bonnes patates. » (Jean-Robert Tranchu). Bien entendu, la durée de vie de la supercherie sera inversement proportionnelle à son succès (voir figure b). Mais il faudra, pour vous démasquer, qu’un web-journaliste fournisse une enquête minutieuse : vous aurez ainsi l’impression d’avoir été un chaînon essentiel de l’évolution des médias modernes, un rouage, même, de la liberté d’expression. Puis, finalement, elle vous permettra de soigner votre ego meurtri depuis l’histoire avec le sac de couchage : quand même, cette histoire de Mark Twain, on y a cru, quand ceux qui se moquaient de vous en 5e b vont savoir que l’on vous a confondu avec le compositeur du générique de Tom Sawyer, ils feront moins les malins !

Il existe cinq sortes de fausses citations.
La fausse citation par glissade, qui intervient quand un mec moyennement prestigieux a dit un truc tellement bien qu’il ne peut être que de quelqu’un d’autre. « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver », par exemple, était une phrase tellement rigolote qu’on a préféré faire croire aux gens qu’elle était de Göring plutôt que de Balladur von Chirac.
La fausse citation à titre posthume, utilisée quand un personnage illustre, dans un moment illustre, a dit un truc nul. Par exemple, Galilée n’a jamais dit « Et pourtant elle tourne. » Il a dit « Ouais, ouais, c’est ça, je me rétracte, et ta mère non plus, elle tourne pas », ce qui ne veut pas dire grand chose.
La fausse citation par simplification : quand quelqu’un dit un truc de 17 pages et que l’Histoire n’en retient que trois mots, parce que l’Histoire n’a plus si bonne mémoire, a son âge. « Longtemps, je » (Proust). Souvent, ces trois mots réussissent à dire sans la moindre nuance ce que les 17 pages ne sous-entendaient pas vraiment, ce qui est quand même bien mieux, pour une citation efficace.
La fausse citation par coquille. Marx, par exemple, n’a pas dit « La religion est l’opium du peuple », mais bien « la religion est l’opossum du peuple », parce qu’il la trouvait bizarre et velue. De même, Marie-Antoinette n’a pas dit « Ils n’ont plus de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! » mais « Je mets mes pains où je veux, et c’est souvent dans la gueule ». Une malencontreuse erreur du traducteur, peu roué aux subtilités autrichiennes, a peut-être changé le cours de l’histoire.
Et, enfin, celle qui nous intéresse ce soir, l’invention complète : « Aimer, c’est comme un cheval à bascules dans le désespoir de l’infini » (Lamartine).

Pour réaliser une bonne citation apocryphe il te faudra un auteur mort. Attention, il faut savoir doser le prestige (figure c) : trop connu, et il y aura immédiatement un petit malin pour te contredire, pas assez et c’est la catastrophe. En cas de doute, Alphonse Allais, Oscar Wilde ou Sacha Guitry font toujours l’affaire. Evite Lao Tseu, en revanche : ça commence à se voir. Renseigne-toi aussi un peu sur l’auteur mort, son époque, son contexte. Par exemple, évite « Si tu n’as pas une Rolex à 50 ans, mange de la brioche » (Descartes) : il était allergique au gluten.
Il te faudra ensuite un bon sujet, si possible en phase avec l’actualité, pour que ta fausse citation semble comme en résonance. Par exemple, certains éléments de l’actualité récente te semblent obscurs. Essaie avec un « Le doute, c’est tout ce qui nous reste quand on sait même pas si que ben Laden il est vraiment mort » (Sidney Beckett).
Puis il te faudra enfin une excuse : « On a mal interprété mes paroles », « Non mais ce que je voulais dire, c’est qu’il aurait très bien pu dire ça, un soir de grande solitude » ou, toujours efficace, « C’est pas de ma faute, les guillemets sont partis tout seul ».

« Et que la force soit avec toi ! » (Confucius)

Impressum

Friday, May 6th, 2011

Il était une fois trois petits oursons, qui s’appelaient Ours, Pompon et Flannagan. Leur vie n’était que joie, farandoles, et cabrioles. Ours allait chercher du miel dans les ruches alentours, Pompon ramenait quelques pommes des vergers alentours, et Flannagan décapitait quelques morses* parce qu’on a beau dire, c’est quand même ce qui passe le mieux avec le miel, les pommes et les farandoles.

Il n’y avait qu’une seule ombre sur le tableau chamarré du bonheur champêtre de nos trois compères : le croque-mitaine. Le croque-mitaine était méchant. la cause de tous leurs soucis. Il faisait pleuvoir, il faisait pourrir les fruits, on dit même que c’était lui qui s’était arrangé pour équiper les abeilles de dards. Il était également le principal responsable de la déforestation et l’agent artistique d’Hélène Ségara, dont les trois ours avaient malencontreusement entendu parler lors d’une expérience d’occupation de maison qui avait mal tourné.

Le trois oursons étaient bien tristes que le croque-mitaine soit si méchant, ils décidèrent qu’il fallait lui jouer un tour pendable pour lui apprendre à faire des blagues si vilaines. C’est Flannagan, toujours le plus vif, qui eut l’idée géniale : « et si on lui lacérait le visage à coups de griffes, et après on lui mangerait le foie avec du miel, pour lui apprendre à faire le coquin ?”

Alors Ours, Pompon et Flannagan partirent afin de débusquer le croque-mitaine. Pendant des années, ils le cherchèrent. Mais nulle part ils ne le trouvèrent. Combien amère était leur déception, surtout que les mauvais tours continuaient de se succéder dru.

Mais Pompon eut une idée géniale : “On a qu’à regarder sur Google !” C’est là qu’ils découvrirent qu’en fait le croque-mitaine était une invention des ours adultes pour faire peur aux oursons. Ils en conçurent bien de la déception, perdirent leurs repères et leur foi en la plantigradité. Aujourd’hui, ils dépensent une fortune en psys et en thérapies diverses et font bien peine à voir.

Moralité : c’est quand même con d’appeler un ours Ours.

* Je sais bien ce que tu vas dire, mais il s’agit ici d’ours mi-polaires.

Blanc, blanc, blanc le goéland

Thursday, May 5th, 2011

Il y a, parfois, dans la vie, des jours où, comme on dit dans le jargon, ça veut pas. Quand ces jours arrivent précisément alors qu’on est blogueur, journaliste, écrivain ou élève dans la classe 5b du Collège Ted Robert de Moudon seul face à une dissertation sur le thème “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais j’aime beaucoup ce que vous avez fait de cet appartement”, on peut parler de syndrome de la page blanche. Alors que dans le langage fleuri du garagisme, on dirait plutôt “ah ben non, on va pas pouvoir la réparer, là, mais c’est pas grave, justement, je viens d’avoir un nouvel arrivage, vous m’en direz des nouvelles”.

Connaissant très mal le domaine du garagisme, quand bien même j’ai un jour dû changer moi-même, alors que les frimas hivernaux menaçaient de me transformer en statue de glace, mon cric, je ne me hasarderai pas sur ce terrain glissant (sans doute à cause de l’huile). En revanche, je puis, dans la grande lignée de ces sites de développement personnel qui sont un peu ce qu’on a fait de mieux sur internet depuis les blogs de tricot, vous donner des conseils dans le domaine scriptural.

Car je suis moi-même, vois-tu, bien souvent confronté au syndrome de la page blanche. Et j’ai trouvé le moyen infaillible d’y remédier. Non, il ne s’agit pas de peindre la page en fuchsia, encore que ce soit une couleur très printanière.

Vous avez remarqué que, dans la grande lignée de ces sites de développement personnel qui sont un peu ce qu’on a fait de mieux sur internet depuis les blogs de tricot, ça fait pas mal de paragraphes que je parle pour rien dire. Mais venons-en au fait.

La première chose à faire est de hiérarchiser son travail. Sinon, c’est l’escalade infernale : hésitant entre se mettre immédiatement à rédiger son article sur les furets, quand bien même il n’est que pour le 21, mettre à jour son blog sur l’architecture en Patagonie ou soigner son personal branding par le biais de quelques saillies drolatiques sur les morts du jour sur les réseaux sociaux, on tergiverse, on perd du temps et on se retrouve, quelques heures et une vingtaine d’onglets plus tard, à lire un passionnante étude scientifique qui prouve que les personnes qui jouent du djembé ont plus de chances de mourir assassinées que les possesseurs d’une roulette à pizza.
Il faut donc soigneusement lister les tâches en cours et les classer sur une échelle de extrêmement urgent à oh merde j’ai complètement oublié ce truc c’était pour hier. Une fois ceci fait, on peut commencer à classer ses différentes notes dans lesquelles on avait listé ses tâches par ordre de couleur. Puis, après une petite vidéo de chat pour se détendre, à liquider les dossiers moins urgents mais rigolos. Dans le cas des dossiers dépourvus de deadline, le mieux est encore de les classer dans “à classer”.

Quant au syndrome de la page blanche proprement dit, en réalité, il est assez simple à résoudre. Il suffit d’écrire n’importe quelle phrase banale, “Longtemps, je me suis couché de bonne heure”, “Aujourd’hui, maman est morte”, “Avec Carla, c’est du sérieux” ou encore “Il reste encore un peu de purée” puis de laisser couler. C’est donc ce que les Anglais appellent un faux problème. Trop souvent, nous nous retranchons derrière de faux problèmes, alors qu’on pourrait très bien se coucher de bonne heure.